Tout psychologue rencontre la solitude, l’apprécie ou la déteste, parfois les deux en même temps. Que ce soit dans sa vie personnelle ou professionnelle, le psychologue peut être jugé par avance pour ce qu’il est et lui aussi, prendre une attitude particulière en réaction.
Je rencontre souvent des psychologues souffrant de solitude, et certains en souffre parfois bien avant d’être devenu psychologue. Je ne vais pas considérer ici les liens entre la solitude de l’individu, sa trajectoire social, scolaire et professionnelle et le fait même qu’il soit devenu psychologue, cela pourra être l’objet d’un autre article.
Voici donc quelques pistes de réflexions, sur la solitude du psychologue en activité, que ce soit en libéral, en institution, en établissement de santé ou en entreprise :
– La solitude professionnelle : le psychologue exerce souvent seul, sans collègues ou superviseurs avec qui échanger ou se soutenir. Il peut se sentir isolé ou incompris par les autres professionnels de la santé ou du social. Exemple : un psychologue en établissement de santé ou en entreprise qui ne dispose pas de réseau de pairs ou de formation continue.
– La solitude éthique : le psychologue doit respecter le secret professionnel et la confidentialité des informations qu’il reçoit de ses patients. Il ne peut pas partager ses difficultés ou ses doutes avec son entourage personnel ou familial. Exemple : un psychologue qui est confronté à une situation complexe ou délicate avec un patient et qui ne sait pas comment réagir ou intervenir.
– La solitude affective : le psychologue doit maintenir une distance émotionnelle avec ses patients, sans s’impliquer personnellement ou s’attacher à eux. Il doit gérer ses propres émotions et éviter l’excès de compassion ou au contraire une distance trop importante. Exemple : un psychologue qui ressent une obligation d’agir face à la souffrance ou à l’injustice que subissent ses patients. Le psychologue embarque donc une charge mentale incluant ses émotions, ses doutes, ses inquiétudes, la difficulté de gérer « la bonne distance » tout en maintenant l’alliance de travail nécessaire.
– La solitude intellectuelle : le psychologue doit constamment se remettre en question, se former, se documenter, se tenir au courant des avancées scientifiques et des nouvelles pratiques. Il doit faire preuve de créativité, d’adaptabilité et de rigueur dans son travail. Exemple : un psychologue qui se sent dépassé ou insatisfait par les théories ou les méthodes qu’il utilise ou qu’il connaît.
– La solitude sociale : le psychologue doit s’adapter aux différents milieux, cultures, contextes et publics qu’il rencontre. Il doit faire face à la diversité, à la complexité et à la précarité des situations humaines. Il doit gérer les attentes, les demandes, les besoins et les limites de ses patients. Exemple : un psychologue qui travaille avec des populations vulnérables, marginalisées ou stigmatisées.
– La solitude existentielle : le psychologue doit faire face à des questions fondamentales sur le sens de la vie, de la souffrance, de la mort, de la liberté, de la responsabilité, etc. Il doit accompagner ses patients dans leur quête de sens, de valeurs, d’identité, de projet de vie. Exemple : un psychologue qui se questionne sur sa propre existence, ses choix, ses aspirations, ses valeurs.
– La solitude institutionnelle : le psychologue doit composer avec les contraintes, les règles, les normes, les procédures, les objectifs, les évaluations, les rapports, etc. qui régissent son cadre de travail. Il doit faire face aux pressions, aux conflits, aux tensions, aux dysfonctionnements, aux changements, etc. qui affectent son environnement professionnel. Exemple : un psychologue qui travaille dans un hôpital, une école, une entreprise, une association…
– La solitude financière : le psychologue en libéral doit assurer sa rémunération, sa sécurité, sa stabilité, sa pérennité, sa reconnaissance, sa valorisation, etc. Il doit gérer ses charges, ses impôts, ses cotisations, ses assurances… Il doit faire face à la concurrence, à la demande, à l’offre, au marché, etc. Exemple : un psychologue qui exerce en libéral, en auto-entrepreneur, en indépendant…
– La solitude juridique : le psychologue doit respecter la législation, la réglementation, la déontologie, les codes, les chartes, les conventions, etc. qui encadrent sa profession. Il doit se protéger, se défendre, se justifier, se responsabiliser… Il doit faire face aux plaintes, aux réclamations, aux procédures, aux sanctions, etc. Exemple : un psychologue qui est mis en cause, en conflit, en litige, en faute… (Importance voire obligation de souscrire une assurance responsabilité civile avec une assistance juridique, une prévoyance maladie et invalidité, une mutuelle santé solide, etc..)
– La solitude temporelle : le psychologue (particulièrement en libéral) doit gérer son temps, son agenda, son emploi du temps, ses rendez-vous, ses délais, ses urgences, etc. Il doit concilier sa vie professionnelle et sa vie personnelle, ses obligations et ses loisirs, son travail et son repos. Il doit faire face au rythme, à la cadence, à la charge, à la fatigue, aux demandes urgentes. Exemple : un psychologue peut avoir du mal à trouver un équilibre entre ses différentes activités et ses différents rôles.
– La solitude spatiale : le psychologue doit s’adapter à son lieu de travail, à son espace, à son matériel, à son confort, à son ambiance, etc. Il doit se déplacer, se rendre disponible, se rendre accessible, se rendre visible… Il doit faire face à l’éloignement, à l’isolement, à l’enfermement, à l’errance, etc. Exemple : un psychologue qui travaille à domicile, en cabinet, en institution, en extérieur sur des lieux d’urgences.
– La solitude identitaire : le psychologue doit se définir, se situer, se reconnaître, se différencier, se singulariser, etc. Il doit affirmer son statut, son rôle, sa fonction, sa mission, sa vocation. Il doit faire face à la confusion, à l’ambiguïté, à l’incohérence, à l’incompatibilité. Exemple : un psychologue qui se sent perdu, indécis, incertain, hésitant sur son identité professionnelle.
– La solitude relationnelle : le psychologue doit établir, maintenir, développer, enrichir, diversifier ses relations avec ses patients, ses collègues, ses partenaires, ses pairs, ses superviseurs. Il doit créer du lien, de la confiance, de la coopération, de la collaboration, de la solidarité. Il doit faire face à la rupture, à la distance, à l’indifférence, à l’hostilité, à la rivalité. Exemple : un psychologue qui se sent seul, isolé, incompris, rejeté, exclu dans ses relations professionnelles.
– La solitude émotionnelle : le psychologue doit ressentir, exprimer, partager, écouter, comprendre ses émotions et celles de ses patients. Il doit réguler, modérer, canaliser, apaiser, soulager, ses émotions et celles de ses patients. Il doit faire face à la tristesse, à la colère, à la peur, à la joie, à la surprise, etc. Exemple : un psychologue qui se sent vide, indifférent, insensible, déconnecté de ses émotions ou de celles de ses patients. Aussi à l’inverse : saturé, envahit, dépassé…
– La solitude spirituelle ? Le psychologue doit se questionner, se réfléchir, se transcender, se réaliser, se dépasser parfois. Il doit chercher du sens, des valeurs, des principes, des idéaux, des convictions. Il doit faire face à la vacuité, à l’absurdité, à l’incertitude, à l’angoisse, à la désillusion. Exemple : un psychologue qui se sent vide, désorienté sur le plan spirituel.
Sur ce dernier point, les bouleversements sociaux, professionnels, climatiques, économiques confrontent le psychologue a des phénomènes d’anxiétés qui le préoccupe déjà lui-même…
Que pouvons-nous faire de bon avec cette solitude ? 😉
La solitude du psychologue est un phénomène complexe, multifactoriel et multidimensionnel, qui peut toucher le professionnel à différents niveaux : professionnel, éthique, affectif, intellectuel, social, existentiel, institutionnel, financier, juridique, temporel, spatial, identitaire, relationnel, émotionnel et pourquoi pas spirituel. Ces différents aspects de la solitude peuvent interagir, se renforcer ou se compenser, selon les caractéristiques, les ressources et les besoins de chaque psychologue.
La solitude du psychologue n’est pas forcément négative ou pathologique. Elle peut être source de créativité, d’autonomie, de liberté, de réflexivité, de spiritualité. Elle peut être choisie, assumée, appréciée, valorisée. Elle peut être un moyen de se protéger, de se ressourcer, de se développer, de se réaliser.
La solitude du psychologue n’est pas non plus inévitable ou immuable. Elle peut être prévenue, réduite, atténuée, transformée. Elle peut être partagée, accompagnée, soutenue, aidée. Elle peut être l’occasion de créer du lien, de la confiance, de la coopération, de la solidarité, du développement des pratiques.
La solitude du psychologue est donc un enjeu majeur pour la profession, qui nécessite une prise de conscience, une reconnaissance, une réflexion, une formation, une supervision, etc. Elle implique également une responsabilité individuelle et collective des psychologues entre eux !
La solitude du psychologue est enfin un défi passionnant, qui invite à explorer, à expérimenter, à innover, à se dépasser. Elle offre une opportunité unique de se connaître, de se comprendre, de se respecter, de se définir, de développer un sens de vie durable.
Frédéric LAURA Psychologue, superviseur
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1 La solitude et la santé mentale – Psychologue.net. https://www.psychologue.net/articles/la-solitude-et-la-sante-mentale-comprendre-les-effets-sur-le-bien-etre-menta
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